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LES INVENTEURS DE LA COMMUNE
​​​NAPOLÉON GAILLARD : les chaussures en Gutta-percha.
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Avec son invention des chaussures en gutta-percha, une gomme de caoutchouc, Napoléon Gaillard poursuivait un double but : fabriquer des chaussures plus souples et plus imperméables que les chaussures cousues ou clouées, et alléger la tâche de l’ouvrier cordonnier. « Le public, écrivait-il, ignore toutes les fatigues de corps et d’esprit de l’ouvrier-cordonnier qui fabrique par des procédés ordinaires. Par mon système, il travaille sans fatigue aucune, développe son intelligence, obtient un beau travail et peut être classé au rang des modeleurs et des sculpteurs ». Son procédé fit l'objet d'une édition et de licences d'exploitations qui semblent avoir remporté un franc succès.
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JULES ALLIX : le doigt prussique et la boussole pasilalinique sympathique
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Jules Allix a été maire du VIIIème arrondissement de Paris pendant la Commune. Son frère est médecin et ami de Victor Hugo à Jersey. Ils s'intéressent ensemble au spiritisme et Jules participera à certaines de ces séances. Secrétaire d’un « Comité de la Commune de Paris dans le VIIIe », Jules Allix, futur maire de VIIIème arrondissement de Paris sous la Commune, préside en octobre 1870 une réunion de femmes au gymnase dirigé par son ami Hippolyte Triat et y prône l’emploi du « doigt prussique » : un tube contenant de l’acide et placé au bout d’un dé de caoutchouc serait la meilleure protection des femmes contre les assiduités des Allemands...
"Jules Allix conçut l'idée (...) de confier cette redoutable "arme nouvelle" au corps des "Amazones de la Seine" créé en octobre, un bataillon de femmes destiné à seconder les hommes dans la défense des remparts et à secourir les blessés. Il écrit :
Le prussien avance vers vous. Vous tendez la main, vous le piquez, il tombe raide mort et vous restez pure et tranquille
(G. Soria, La grande histoire de la Commune, T1,p.227)
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« L'invention » la plus célèbre à laquelle Jules Allix est associé date de 1850 et se nomme la « boussole pasilalinique sympathique » ou « boussole escargotique ». Il s'agit d'une méthode de télégraphie basée sur la capacité supposée des escargots à maintenir un contact sympathique après l'acte sexuel. Autrement dit, un escargot est capable de transmettre à toutes distances, par le biais d'un fluide identifié à une forme de magnétisme animal propagé par le sol, son état d'excitation au congénère avec qui il a sympathisé, c'est la « commotion escargotique ». Jules Allix n'était pas vraiment l'inventeur de ce moyen de communication, mais abusé par une expérimentation manifestement truquée, il se fit le promoteur naïf de la prétendue découverte de Jacques Toussaint Benoît et Biat-Chrétien (personne fictive censée se trouver aux Amériques et être en contact escargotique quotidien avec Benoît).
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AUGUSTIN AVRIAL : le motocycle à pétrole, la couseuse pneumatique...
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Après l'amnistie de 1880, il revient en France, devient contrôleur du matériel à la compagnie des Chemins de fer de l'État (1880-1882). Parallèlement il mène une activité d'inventeur : un motocycle à pétrole (la pétrolette), une locomotive, un triporteur (salon de l'automobile de 1901), un tramway électrique, un ballon ascensionnel, un hippodrome mécanique... Avrial travaillera, en 1889, pour Gustave Eiffel, pour lequel il coordonnera plus de 60 corps de métiers pour bâtir la Tour et plusieurs bâtiments de l'Exposition Universelle.
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PASCHAL GROUSSET : le sport non basé sur la compétition.
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Ses articles sur le sport et l'éducation, publiés dans le journal Le Temps sous le pseudonyme de Philippe Daryl, ainsi que son ouvrage La Renaissance physique (1888), proposent une vision communarde des pratiques physiques opposée à la vision "versaillaise" des pratiques sportives. Il souhaite valoriser les plus faibles et les plus en difficulté ainsi que le plus grand nombre de pratiquants contrairement au modèle sportif qui valorise le champion et le plus petit nombre.
En octobre 1888, il crée la Ligue nationale d'éducation physique qui, globalement, rejette la compétition sportive en la considérant comme politiquement et moralement néfaste. Il s'oppose ainsi frontalement à Jules Simon qui a créé en juin de la même année un Comité pour la propagation des exercices physiques. En effet, si Grousset est favorable à la pratique des sports en tant qu'hygiène de vie, il rejette toute idée de compétition, au profit d'un idéal de fraternisation et d'éducation populaire. Cela le place, à tous les égards (tant en politique qu'au niveau de l'idéal sportif), totalement à l'opposé d'un Pierre de Coubertin6. Grousset, le vieux et Coubertin, le jeune, se détestent réciproquement. Coubertin écrit dans une correspondance avec Philippe Tissié : Ce « Monsieur Paschal Grousset qui est un homme que je méprise et avec lequel je ne veux point avoir de rapports »
Paschal Grousset écrit aussi avec et pour Jules Verne.
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EDMOND-ALFRED GOUPIL : le kiosque-signal de circulation
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Ancêtre des feux tricolores 14, présenté à l'exposition d'hygiène en 1896 15. Un kiosque-signal est installé à titre expérimental en 1912 au Carrefour Montmartre16, mais retiré après 20 jours d'utilisation 17. Il y en a un aussi à la même époque sur le Boulevard des Italiens.
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HERMINIE CADOLLE : le corselet-gorge
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Herminie fait partie de l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, et devient une amie de Louise Michel. Elle fait partie du comité de soutien aux déportés de la Commune, le comité socialiste révolutionnaire, dont elle est trésorière. Elle décide de quitter la France en début d'année 1887 et s'installe en Argentine. Elle ouvre une boutique de lingerie à Buenos Aires. Elle a l'idée de couper le corset en deux pour libérer le corps, de rajouter une armature, et crée ainsi le corselet-gorge, ou maintien-gorge, qui deviendra le soutien-gorge. Elle est de retour en France pour présenter ses créations lors de l'exposition universelle de 1889. Elle dépose un brevet sur le corselet-gorge en 189810. Elle participe ensuite à l'exposition universelle de 1900 à Paris. En 1910, elle décide de créer un atelier et une boutique au 24 de la rue de la Chaussée-d'Antin11, et confie ce lieu parisien à sa belle-fille Marie. Elle devient ainsi la fondatrice de la maison Cadolle, entreprise familiale qui existe toujours, depuis six générations
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BLANCHE CAVELLI & MAXIME LISBONNE : le striptease
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De mars à juin 1894, Blanche Cavelli s'illustre dans Le Coucher d'Yvette appelé aussi Le Coucher de la mariée, pantomime lyrique en un acte de Francisque Verdellet accompagnée d'une musique d'Eugène Arnaud.
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Au XIXème siècle, les cafés-concerts et les music-halls se mettent à produire des pantomimes très légèrement fictionnelles, qui sont en fait les ancêtres du strip-tease [...] L'argument en est fort simple. Yvette, jeune femme, se languit en l'absence de son mari, parti faire ses vingt-huit jours au service de la patrie. Au moment de se coucher, elle se déshabille, en contemplant le portrait de l'absent. Puis, après avoir enlevé ses principaux vêtements - corsage, robe, jupons blancs et roses, pantalon, bas et chemise-, elle écrit une lettre à son époux pour lui faire part de ses sentiments [...] Dans les vingt années suivantes, le motif du "coucher" ou du lever" prospère sur les scènes de music-hall et inspire le cinéma naissant.
Examen de censure pour Blanche Cavelli dans le Coucher d'Yvette, cité dans l'article "l'anniversaire du nu", revue Frou Frou n°24. Précédemment refusée par l'Eden-Théâtre, la pièce fait l'objet d'une répétition spéciale pour la censure. Blanche Cavelli procède à l'effeuillage devant M. Bourdon qui donne son aval à condition de quelques remaniements. C'est donc le 3 mars 1894 qu'a lieu la première représentation18 de ce spectacle en soirée de gala puis en nocturne sur invitation chez Maxime Lisbonne propriétaire du Concert Lisbonne alias Le Divan Japonais, célèbre cabaret parisien fréquenté par Toulouse-Lautrec. Blanche y reprend l'histoire d'Yvette qui se déshabille pour aller se coucher mais elle ose pour la première fois procéder au déshabillage complet, ce qui vaut salle comble pour de nombreuses représentations.
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Dans ce "premier déshabillé risqué sur une scène de théâtre" (...) "Yvette défait son corsage, sa jolie robe qui lui va si bien, ses jupons blancs, ses jupons roses. Le pantalon tombe, les bas s’enlèvent, la chemise de nuit remplace la batiste du jour". "Cette scène muette étonne Sarcey par sa nouveauté, et par la manière dont elle tient le spectateur en haleine, sans pour autant nécessiter aucun coup de théâtre ni péripétie [...] la dramatisation du geste érotique supplante la construction dramatique de l'action.
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- Marcel Cerf : "Maxime Lisbonne, le d’Artagnan de la Commune de Paris", Ed. du Panorama, Bienne 1967
- Didier Daenincks : « Le banquet des affamés », éd. Gallimard 2012, et « 12 rue Meckert », Folio policier, éd. Gallimard 2013​
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...à suivre...
DES INVENTEURS DE LA GUERRE DE PRUSSE
L'inaction du Gouvernement de défense nationale contre les Prussiens provoqua les propositions les plus fantastiques pour gagner la guerre et de nombreux mémoires furent adressés au "Comité scientifique de Paris" qui firent les propositions suivantes :
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- empoisonner la Seine en aval de Paris;
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- décomposer l'air que respirent les Prussiens;
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- placer à Versailles des mines actionnées électriquement de Paris;
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- suspendre à des ballons attachés en grappe une masse pesant dix millions de tonnes et d'un diamètre de vingt-cinq kilomètres qui serait larguée au-dessus de l'état major de Helmuth Karl Bernhard Moltke, chef du Grand État-Major général de l'armée prussienne, et le réduirait instantanément à l'état de mauvais souvenir;
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- attirer les Prussiens par une "mitrailleuse musicale" en leur jouant du Schubert, qui les faucherait ensuite.
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- fabriquer mille montgolfières qui feraient l'aller sur Paris avec une vache pour assurer le ravitaillement, et le retour avec des personnes ne pouvant pas porter les armes;
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- harnacher dix mille pigeons en un attelage aérien de grande puissance.
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- La Petite Presse raconta une expérience menée au Jardin des plantes : quatre aigles pouvaient soulever un poids de cinq tonnes : il suffisait qu'un aéronaute soit juché dans une nacelle et tienne devant leur bec un morceau de chair crue piqué au bout d'une lance;
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- Pour réassurer la communication de Paris avec la Province, on suggéra des chiens-messagers, des boules de verre lancées dans la Seine, portées par le courant, des sous-marins, et bien sûr, la boussole pasilalinique sympathique de Jules Allix. Le moyen le plus sûr, le moins couteux fut le moins ambitieux : le pigeon-voyageur qui transportait accroché aux pattes des microfilms, petites pellicules au collodions, dont chacun était l'équivalent d'environ quarante mille messages. 302 pigeons furent employés pendant le siège, 59 seulement revienrent dans la capital, les autres périrent du froid, des balles prussiennes, ou des faucons que les Prussiens lancèrent contre eux.
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D'autres propositions, tenues alors pour chimériques, sont entrées depuis dans l'arsenal des armées modernes :
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- les "remparts mobiles", ancêtres des chars d'assaut;
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- les "poches de Satan, emplies de pétrole, annonciatrices du napalm;
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- jets sur les lignes prussiennes de bouteilles contenant la petite vérole.
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Voir Georges Soria, La grande histoire de la Commune, Tome 1, p. 227-228
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