

FICTION
POLITIQUE
L’HISTOIRE ET LA FICTION. L’histoire procure des outils qui permettent d’appréhender les faits du passé, de les organiser, de les interpréter, mais aussi, à un autre niveau, les récits dont ils ont fait l’objet. La Commune de Paris est riche de récits superposés et contradictoires, et même, selon Quentin Deluermoz, « saturée d’informations et d’interprétations1 ».
La fiction est passée, et passe encore, sur le corps de la Commune par différents types d’opérations plus ou moins malveillantes dont nous observerons plus loin certains aspects, de la caricature à la satire, de la calomnie à la déréalisation, en passant par le mensonge et la falsification de l'histoire. Des historiens comme Jacques Rougerie dans les années 60 et Robert Tombs dans les années 80 ont tenté d’extraire ces récits de leurs mythologies en les confrontant aux faits, en multipliant les mises aux points à partir des documents d’archives. Mais c’est bien la puissance de ses imaginaires, aiguisés dans les réunions publiques parisiennes, clubs et associations depuis 1848, qui ont permis à la Commune de fonder son projet en faisant fructifier les imaginaires individuels. Aussi prendra-t-on en considération l’efficacité de la fiction et sa puissance de suggestion parmi les outils que l’histoire contemporaine nous propose aujourd’hui. Fiction contre fiction.
L'usage de « la charge démonstrative de la littérature » par Fernand Braudel et Georges Duby, l'usage du récit en histoire et dans les sciences sociales de Paul Veyne, Jacques Rancière, Paul Ricœur ou Michel de Certeau, qui posèrent que « l'intelligence du passé a besoin d'intrigue, de mise en scène, de descriptions, de portraits et de figures de style », le Linguistic Turn de Hayden White, qui pose l'histoire comme une construction discursive parmi d'autres, l'histoire contrefactuelle/l'uchronie (l'histoire avec des « si ») de Pierre Singaravelou et Quentin Deluermoz, la réconciliation entre histoire et littérature, histoire et fiction postulée par Yvan Jablonka, sa « fiction de méthode », l'histoire comme bifurcation de Manuel deLanda, la fiction politique de Patrick Boucheron, mais aussi la dimension de l’histoire publique ptatiquée et enseignée par Catherine Brice, permettront d’observer le rôle qu'occupe l’imaginaire dans la saisie du réel, et d’exploiter sa capacité de réactualisation, d’interprétation et de mise en forme.
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1 - Commune(s), 1870-1871. Une traversée des mondes au XIXème siècle, éd. le Seuil, 2020