FICTION
POLITIQUE
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JOURNAL OFFICIEL - PARTIE NON OFFICIELLE 7
Jeudi 6 avril 1871
MASSACRE DES PRISONNIERS COMMUNARDS (p447)
Citoyens,
Chaque jour les bandits de Versailles égorgent ou fusillent nos prisonniers, et pas d’heure ne s’écoule sans nous apporter la nouvelle d’un de ces assassinats.
Les coupables, vous les connaissez : ce sont les gendarmes et les sergents de ville de l’empire, ce sont les royalistes de Charette et de Cathelineau qui marchent sur Paris au cri de Vive le Roi et drapeau blanc en tête.
Le gouvernement de Versailles se met en dehors des lois de la guerre et de l’humanité, force nous sera d’user de représailles.
Si, continuant à méconnaître les conditions habituelles de la guerre entre peu- ples civilisés, nos ennemis massacrent encore un seul de nos soldats, nous répondrons par l’exécution d’un nombre égal ou double de prisonniers.
Toujours généreux et juste même dans sa colère, le peuple abhorre la guerre civile ; mais il a le devoir de se protéger contre les attentats sauvages de ses ennemis, et, quoi qu’il lui en coûte, il rendra œil pour œil et dent pour dent.
Paris, le 5 avril 1871, La Commune de Paris.
RAPPORT DU DÉLÉGUÉ À LA GUERRE AUX MEMBRES DE LA COMMISSION EXÉCUTIVE (p449)
Citoyens,
Depuis mon entrée en fonctions, j’ai cherché à me rendre un compte exact de la situation militaire, tant au point de vue de ce qui motive une agression que rien ne justifie qu’à celui de ses résultats.
Le motif paraît être, en première ligne, d’effrayer la population, en second lieu nous faire dépenser en pure perte nos munitions, enfin masquer un mouvement sur notre droite pour occuper les forts de la rive droite.
Jusqu’à ce jour, l’espoir coupable de l’ennemi a été frustré, ses tentatives re- poussées.
La population est restée calme et digne, et si nos munitions ont été gaspillées par des soldats trop jeunes, ils acquièrent chaque jour, par la pratique du feu, le sang-froid indispensable à la guerre.
Quant au troisième point, il dépend plus des prussiens que de nous. Néan- moins, nous veillons.
Au point de vue de l’action, elle se résume ainsi : soldats excellents, officiers mêlés, les uns très bons et les autres très mauvais. Beaucoup d’élan, assez peu de fermeté. Quand les compagnies de guerre seront formées et dégagées de l’élément sédentaire, on aura une troupe d’élite dont l’effectif dépassera 100 000 hommes. Je ne saurais trop recommander aux gardes de porter toute leur attention sur le choix de leurs chefs.
Actuellement, les positions respectives des deux troupes peuvent se résumer ainsi : les Prussiens de Versailles occupent les positions de leurs congénères d’outre-Rhin. Nous occupons les tranchées, les Moulineaux, la gare de Clamart.
En somme, notre position est celle de gens qui, forts de leurs droits, attendent patiemment qu’on vienne les attaquer, se contentant de se défendre.
Des actes d’héroïsme se sont accomplis. A ce sujet, je proposerai à la Com- mune de vouloir bien faire don au 101e bataillon d’une mitrailleuse qu’il a enlevée aux Prussiens de Versailles avec son caisson et deux autres pièces d’artillerie.
Que chaque bataillon tienne à l’honneur d’imiter le 101e, et bientôt l’artillerie de la Commune de Paris sera une des plus belles et des mieux servies.
Je saisis cette occasion de rendre un public hommage à la justesse du tir de nos artilleurs.
En terminant, citoyens, je pense que si nos troupes conservent leur sang-froid et ménagent leurs munitions, l’ennemi se fatiguera avant nous. Il ne restera alors de sa folle et criminelle tentative que les veuves et les orphelins, le souvenir et le mépris pour une action atroce.
Le délégué à la guerre, Général E. Cluseret.
INITIATION DES RELATIONS DIPLOMATIQUES (p451)
La note suivante a été adressée hier aux représentants, à Paris, des puissances étrangères par le citoyen Paschal Grousset, membre de la Commune, délégué aux relations extérieures :
« Le soussigné, membre de la Commune de Paris, délégué aux relations exté- rieures, a l’honneur de vous notifier officiellement la constitution du Gouverne- ment communal de Paris.
« Il vous prie d’en porter la connaissance à votre Gouvernement, et saisit cette occasion de vous exprimer le désir de la Commune de resserrer les liens fraternels qui unissent le peuple de Paris au peuple N***
« Agréez, etc.
Paris, le 5 avril 1871, Paschal Grousset.
LETTRE DU GÉNÉRAL BERGERET À LA COMMISSION EXÉCUTIVE (p 455)
Chers citoyens,
Les craintes de certaines personnes sont exagérées. Je sais qu’il faut à notre brave garde nationale une nouvelle organisation ; mais la situation de notre cher Paris est bonne, nos forts sont pourvus de munitions et résistent fièrement aux attaques insensées et criminelles de ceux que j’ai la honte d’appeler les Français de Versailles.
Quant à Neuilly, cet objectif de nos adversaires, je l’ai formidablement fortifié, et je défie à toute une armée de l’assaillir. J’y ai placé un homme intelligent et ferme, le citoyen Bourgoin ; il y tient d’une main sûre le drapeau de la Commune, et nul ne viendra l’en arracher.
Donc, chers citoyens, organisons dans le calme et la sécurité vigilante de notre force nos bataillons, et laissons au temps, quelques jours à peine, le soin de démontrer à nos ennemis leur faiblesse et notre puissance.
Jules Bergeret, Général commandant la place.
TRAITEMENT VERSAILLAIS DES PRISONNIERS (p456)
Nous recevons la communication suivante :
Aux membres de la Commune de Paris,
J’arrive de Versailles encore ému, indigné des faits horribles que j’ai vus de mes propres yeux.
Les prisonniers sont reçus à Versailles d’une manière atroce. Ils sont frappés sans pitié. J’en ai vu sanglants, les oreilles arrachées, le visage et le cou déchirés comme par des griffes de bêtes féroces. J’ai vu le colonel Henry en cet état, et je dois ajouter à son honneur, à sa gloire, que, méprisant cette bande de barbares, il est passé fier, calme, marchant stoïquement à la mort.
Une cour prévôtale fonctionne sous les regards du gouvernement. C’est dire que la mort fauche nos concitoyens faits prisonniers. Les caves où on les jette sont d’affreux bouges, confiés aux bons soins des gendarmes.
J’ai cru de mon devoir de bon citoyen de vous faire part de ces cruautés, dont le souvenir seul provoquera encore longtemps mon indignation.
Barrère.
Je certifie que la présente déclaration a été faite devant moi.
Paris, le 5 avril 1871
Jules Bergeret, Général commandant la place.
Leroux, commandant au 84e bataillon de la garde nationale.
SUPÉRIORITÉ MORALE DE LA GARDE NATIONALE (extrait, voir JO p459)
[…] L’offensive prise brusquement par le gouvernement de Versailles, alors que rien ne la faisait prévoir si prochaine, a déterminé un mouvement en avant de la garde nationale, mouvement audacieux, peu préparé, presque spontané, qui n’a pas eu, on peut le reconnaître sans honte après tant d’actes héroïques, le succès immédiat sur lequel les chefs avaient en somme quelques raisons de compter.
Admettons même qu’il y ait eu excès d’audace et de confiance chez les vaillants citoyens, dont l’agression de la veille avait enflammé l’ardeur. Il n’en restera pas moins évident que si une faute a été commise, ou pour mieux dire n’a pu être évitée, cette faute même, reconnue et préparée, est pour la cause de la Commune le gage du futur triomphe.
Et d’abord, nul n’oserait soutenir qu’au point de vue défensif la situation de Paris ait empiré. Ce qui est certain, au contraire, c’est que les mesures prises, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont rendu Paris invincible. Les bataillons de marche réformés ont aussi acquis la faculté de procéder rapidement, mais avec méthode à leur réorganisation.
Enfin le commandement supérieur a été placé entre les mains d’un militaire éprouvé qui, considéré il y a quinze ans dans l’armée française comme un officier du plus grand mérite, a depuis acquis, dans la guerre de sécession américaine, l’expérience qui eût pu, après le 4 septembre, nous assurer les revanches espérées. Ici comme en Amérique, mais avec des éléments incomparablement supérieurs, et dans des conditions bien plus favorables, le général Cluseret aura à montrer comment les troupes nouvelles, n’ayant pas fait campagne, peuvent triompher d’une armée régulière. Le courage héroïque, indomptable de la garde nationale parisienne, sa supériorité morale sur des troupes que ne soutient pas l’énergie d’une conviction ni même le sentiment du devoir, rendront la tâche du délégué à la guerre plus facile, et assureront le triomphe définitif à Paris, c’est-à-dire à la cause de l’humanité, de la justice, à la cause de la République.
(sans signature)
PROTECTION DU PATRIMOINE - LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE (p 463)
Nous donnons ci-après les termes de l’engagement que le citoyen Vincent, délégué par la Commune à la Bibliothèque nationale, a fait prendre aux employés de cet établissement. C’est par des actes de cette nature que les hommes de la Commune prouvent qu’ils entendent conserver soigneusement aux générations futures tout ce qui se rapporte à la gloire et à la science du passé :
Paris, le 1er avril 1871.
Pour le comité de l’intérieur et de la sûreté générale :
Les délégués, F. Cournet, Emile Oudet, Th. Ferré.
Il a été convenu et arrêté ce qui suit :
1° Avec le concours de M. Jules Vincent, délégué à cet effet, les fonctionnaires et employés de la Bibliothèque nationale prendront toutes les mesures propres à sauvegarder l’intégrité et la conservation des collections qui leur sont confiées, sans qu’il soit porté d’ailleurs aucune atteinte aux règlements actuels de l’établissement.
2° Fidèles à leur devoir professionnel, les fonctionnaires et employés de la Bibliothèque continueront de se renfermer dans les strictes limites de leur rôle de gardiens des collections qui constituent les quatre départements et qui appartiennent à la Nation.
Jules Vincent ; J. Ravenel, conservateur du département des imprimés ; O.-S. Barbris, conservateur adjoint au département des imprimés ; E.-J.-B. Rathery, conservateur adjoint au département des imprimés ; H. Baudement, bibliothécaire au département des manuscrits ; Chabouillet, conservateur, sous-directeur du département des médailles et antiques; H. Lavoix, conservateur, sous-directeur adjoint du département des médailles et antiques ; H. Delaborde, conservateur du département des estampes ; Dauban, conservateur, sous-directeur adjoint du dépar- tement des estampes ; Georges Duplessis, bibliothécaire ; J. Guérin, Bibliothécaire.
NOUVELLES D'ITALIE (p465)
Les jésuites ne se font pas d’illusion sur le sort qui les attend : ils prévoient qu’ils seront bientôt obligés de s’éloigner de Rome, et ils préparent leur déménagement. Ils ont déjà fait partir plusieurs de leurs élèves, qui ont été dirigés vers la Bavière et l’Allemagne. Leurs valeurs les plus précieuses ont été mises en sûreté ; ils ont brûlé une quantité énorme de papiers, et ils ont fait une vente simulée de leur couvent, ce qui n’empêchera pas l’expropriation, car cet immeuble est destiné à recevoir une administration publique.
La vente dont il s’agit a été consentie, il y a plusieurs années, en faveur du prince Torlonia, qui n’a point d’héritiers mâles, et dont les jésuites se croyaient bien sûrs de recueillir l’héritage, évalué à plus de 120 millions de francs.
Renoncer à cette bonne aubaine ne sera pas un des moindres regrets de la célèbre compagnie ; mais, lors même qu’ils ne devraient point quitter Rome, les jésuites auraient été frustrés dans leur convoitise par la publication du code italien, qui abolit les fiefs, le droit d’aînesse, les fidéicommis, et qui rend les filles aptes à hériter de leurs ascendants.
RÉPONSE DE L’EMPEREUR D’ALLEMAGNE À L’ADRESSE DU REICHSTAG (extrait, voir JO p 465)
J’ai reçu avec une reconnaissance sincère l’adresse du reichstag. Je me réjouis des sentiments que le reichstag y a exprimés. Ils prouvent que les paroles que j’ai prononcées dans mon discours du trône ont été parfaitement saisies par vous.
Nous avons assurément à payer une dette de reconnaissance à l’héroïsme des armées allemandes qu’il m’a été donné de conduire, et à leurs incomparables exploits ; mais, avant tout, nous devons rendre grâces à la Providence divine, dont à chaque pas on a pu si clairement reconnaître le doigt. Nous voulons nous efforcer d’agir toujours de telle sorte qu’elle continue dans l’avenir à nous couvrir de sa protection.
Le reichstag a compris le sens de la défaite de la France, qui maintenant encore, après la paix qu’elle a conclue avec nous, est en proie à des convulsions, suites d’une révolution de quatre-vingts ans dont l’œuvre a été de tout déraciner jusqu’à la dynastie, et dont la voie n’offre aucun terme. Ce doit être là aussi pour nous un avertissement, devenu d’ailleurs inutile après les sentiments exprimés par le reichstag.
S’il est vrai que, dans les pays restitués à l’empire allemand, la nationalité allemande n’est pas entièrement détruite, elle est du moins en réalité très effacée. C’est pourquoi nous ne devons pas nous attendre à un trop prompt revirement ; mais il faut avoir de la patience et de l’indulgence. Il ne serait même ni désirable ni bon que des peuples arrachés à de tels liens demeurassent indifférents à cette séparation. Par mansuétude, nous réveillerons peu à peu le sentiment allemand dans ces provinces. C’est avec joie que nous en voyons déjà se manifester quelques signes.
Puissent donc les représentants du peuple allemand persévérer dans l’accomplissement fidèle de leur devoir, et faire en sorte que le nouvel empire allemand réponde aux espérances que le monde fonde sur lui. Il mer sera encore donné, à un âge si avancé, de travailler aux fondements de l’édifice ; mais j’ai la confiance que mes successeurs y travailleront à leur tour dans le même esprit, avec le même cœur et le même dévouement.
Je vous prie de donner au reichstag communication de mes paroles et de lui témoigner ma reconnaissance.
En prenant congé de la députation, l’empereur a dit encore : Puisse l’arbre pousser des racines profondes et porter des fruits abondants !
TIR D'OBUS VERSAILLAIS SUR LA CROIX ROUGE (p470)
Nous recevons la lettre suivante :
Citoyen directeur,
Nous tenons à porter à votre connaissance des honnêtes gens un fait inouï, accompli par les artilleurs du Mont-Valérien dans la journée du 3 avril. Une vingtaine de médecins, portant le brancard réglementaire, et accompagnés de sept voitures de la Société internationale, pourvues du drapeau blanc à croix rouge de la convention de Genève, ont été pris pour point de mire, et n’eût été un pli de terrain, médecins et blessés auraient été atteints par les obus. Nous préférons croire que les artilleurs n’ont pas les drapeaux de la convention de Genève, plutôt que de leur reprocher une atrocité si souvent mise à exécution par les Prussiens.
Salut et fraternité.
Le médecin en chef de l’Hôtel-de-Ville, Dr HERZFELD.
Le médecin adjoint, Dr CLAUDE.
CONSTRUCTION DE TUMULUS (p471)
Le comité consultatif d’hygiène publique, composé de MM. Bussy, Fauvel, Michel Lévy, Bouley, Reynaud et Amédée Latour, a été chargé de présenter un rapport sur les travaux que nécessité, dans l’intérêt de la santé publique, l’état déplorable où ont été laissés les corps de tant de victimes dans les environs de la capitale.
Voici la mesure proposée par le Comité à l’égard des tumulus :
1° Elévation d’un tumulus en terre de 40 à 50 centimètres de hauteur sur les fosses ou les tranchées renfermant un plus ou moins grand nombre de cadavres, et ensemencé de plantes à végétation rapide et avides d’azote.
2° Exhumation rapide des cadavres isolés, désinfectés et placés dans une fosse creusée parallèlement et le plus près possible de la fosse ancienne, et couchés sur un lit de chaux vive.
3° Culture et plantation des terrains dans la zone la plus rapprochée des sépultures.
PROSCRITS ET CONDAMNÉS POLITIQUES DANS LA GARDE NATIONALE (p472)
Les anciens proscrits et condamnés politiques ont décidé la formation d’un bataillon de la garde nationale dans lequel ils entreront. Un grand nombre se sont déjà fait inscrire.
Un bureau d’inscription permanente est établi à la mairie du IVe arrondissement ; tous les anciens proscrits sont priés de venir de suite se faire inscrire.
Aujourd’hui jeudi, réunion générale des proscrits à la mairie du IVe arrondissement.
CONCERTATION SUR LES RÉFORMES DE L'ENSEIGNEMENT (p472)
Appel aux instituteurs, institutrices et professeurs, ainsi qu’aux parents.
Réunion à l’école Turgot, tous les dimanches et jeudis, à trois heures très précises.
Études et résolutions pratiques sur les réformes à réaliser dans les programmes, méthodes et lois d’enseignement.
APPEL DE COURBET (extrait, voir p472)
M. Gustave Courbet, président des artistes, autorisé par la commune, a invité ses confrères à se réunir vendredi prochain, dans le monument de l’Ecole de médecine, à deux heures de l’après-midi.
Il vient de leur adresser l’appel suivant, que nous nous faisons un devoir de publier :
[…]
Aujourd’hui, Paris est libre et s’appartient, et la province est en servage. Quand la France fédérée pourra comprendre Paris, l’Europe sera sauvée.
Aujourd’hui, j’en appelle aux artistes, j’en appelle à leur intelligence, à leur sentiment, à leur reconnaissance, Paris les a nourris comme une mère et leur a donné leur génie. Les artistes, à cette heure, doivent, par tous leurs efforts (c’est une dette d’honneur), concourir à la reconstitution de son état moral et au rétablis- sement des arts, qui sont sa fortune. Par conséquent, il est de toute urgence de rouvrir les musées et de songer sérieusement à une exposition prochaine ; que chacun, dès à présent se mette à l’œuvre, et les artistes des nations amies répondront à notre appel.
[…]
Aujourd’hui, je le répète, que chacun se mette à l’œuvre avec désintéressement : c’est le devoir que nous avons tous vis-à-vis de nos frères soldats, ces héros qui meurent pour nous. Le bon droit est avec eux. Les criminels ont réservé leur courage pour la sainte cause.
Oui, chacun se livrant à son génie sans entrave, Paris doublera son importance, et la ville internationale européenne pour offrir aux arts, à l’industrie, au commerce, aux transactions de toutes sortes, aux visiteurs de tous pays, un ordre impérissable, l’ordre par ses citoyens, qui ne pourra pas être interrompu par les ambitions monstrueuses de prétendants monstrueux.
Notre ère va commencer ; coïncidence curieuse ! c’est dimanche prochain le jour de Pâques ; est-ce ce jour-là que notre résurrection aura lieu ?
Adieu le vieux monde et sa diplomatie !
Gustave Courbet.
LETTRE D’ALPHONSE KARR (extrait, voir p476)
Extraite du Saturday Review.
Plus ça change, plus c’est la même chose !
Voici M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, sous l’autorité de l’Assemblée des représentants. C’est-à-dire à peu près président de la République, et peut-être vaut-il autant qu’on ne soit pas plus président que cela.
L’idée républicaine a plusieurs griefs contre M. Thiers ; je ne parlerai que de deux :
Son histoire si célèbre, si populaire du Consulat et de l’Empire a beaucoup contribué à propager cette légende, cette mythologie napoléonienne qui nous a amené le second Empire.
Au 10 décembre, il a voté, et, qui pis est, a fait voter pour la présidence du prince Louis, sans laquelle la République eût peut-être été fondée.
Aujourd’hui, élu par 26 départements, il apporte au service de la France en pé- ril une longue expérience des affaires et un esprit souple, subtil, très exercé, très pratique et presque toujours du bon sans, sauf sur quelques questions où il a conservé certains préjugés.
Met-il également ces facultés, sans arrière-pensée, au service de la République ?
THAT IS THE QUESTION !...
[…]
Voici mes propositions :
Aliénation ou appropriation à des objets d’utilité publique de tous les palais, châteaux, etc. Qu’il en soit de même des divers bâtiments assignés aux préfectures.
On examinera s’il y a bien besoin de sous-préfets.
Qu’il n’y ait pas en France d’appointements au-dessous de 1 200 fr.
On parle aussi de reconstituer l’armée ; ça, c’est moins bien, — disons notre pensée, — c’est absurde. Si nous voulons sincèrement la République, IL FAUT BRÛLER NOS VAISSEAUX.
[…]
C’est à ce triple titre que je fais les quelques propositions que voici : Démolissons ou fermons les niches où nous ne voulons pas mettre de saints ; Supprimons le tronc avec toute la piaffe et tous les bibelots de la royauté.
Ne nous contentons plus des synonymes avec lesquels on a si longtemps abusé, mené et égaré la France, quand on disait : Plus de gendarmes, une garde municipale ! Plus de conscription, le recrutement ! Plus de royauté, la présidence, assise sur le même fauteuil que la royauté, avec le même pouvoir de corrompre !...
N’essayons pas de construire une France nouvelle avec ces vieux matériaux hors de service, ces poutres pourries, ces pierres délitées des plâtras de démolition.
...Enfin, pour en finir avec les joujoux de la royauté et pour se procurer une grosse, très grosse somme d’argent, prenez-moi les divers joyaux, bibelots, etc., connus sous le nom de diamants de la couronne. Leur valeur commerciale est importante, mais elle sera centuplée, et au-delà, si vous les mettez en loterie, — comme on mit autrefois le lingot d’or ; — l’appât des lots et la sympathie des peuples (je ne parle pas des gouvernements de l’Europe et de l’Amérique pour la France), feront prendre tous les billets de cette loterie.
En voilà assez pour commencer ; commençons.
Situation du 31 mars :
Nous avions dit que l’Assemblée de Versailles était la promiscuité du crime et de l’oppression ; que, d’un côté, l’on avait vendu la France, comme de l’autre, on l’avait achetée ; et qu’en échange de l’engagement pris, par les uns, de la livrer à l’Allemagne, les autres avaient pris celui de l’achever si elle osait se soustraire au joug de ses vendeurs.
Les faits précis, éloquents, terribles, se pressent pour justifier notre dire. Le comte de Bismarck menace Paris dans l’Assemblée ; et Jules Favre, à Rouen, ose déclarer qu’il va s’entendre avec le général de Fabrice pour que Paris soit écrasé.
Mais ce n’est pas tout, M. Jules Favre, fort de l’appui de l’étranger, dont il est devenu le complice, ne veut déjà plus partager avec personne le mérite d’être le bourreau de son pays. D’accord avec une majorité qui veut tout ce que veut la Prusse ; M. Jules Favre va jeter M. Thiers par-dessus le bord...